Inflation de dérogations au vote électronique

En 2011, par décret (NOR : BCRF1107603D), François Fillon autorisait l’usage du vote électronique pour les élections des représentants du personnel dans toute la fonction publique.
En 2020, un nouveau décret (NOR : TFPF2021466D) relatif aux comités sociaux d’administration a été signé par Jean Castex. Son article 36 dispose que « Le vote a lieu par voie électronique », prévoyant toutefois que des dérogations pourraient être accordées pour autoriser le vote à l’urne lors des élections de décembre 2022.

Une liste d’établissements dérogataires a été publiée dans un arrêté du 9 mars 2022 (NOR : TFPF2206831A).

Y figurent plusieurs dizaines d’établissements de l’éducation nationale ou de l’enseignement supérieur (universités, écoles d’ingénieur, ensemble des CROUS), mais aussi le CNED, la cour des comptes, la CNIL, etc.

La délibération de la CNIL sur laquelle s’appuie le décret de Jean Castex était déjà critique sur ce mode de vote

« la commission souhaite rappeler que le vote électronique présente des difficultés accrues au regard des principes susmentionnés* pour les personnes chargées d’organiser le scrutin et celles chargées d’en vérifier le déroulement, principalement à cause de la technicité importante des solutions mises en œuvre. Au cours des travaux que la commission a menés depuis 2003, elle a, en effet, pu constater que les systèmes de vote existants ne fournissaient pas encore toutes les garanties exigées par les textes légaux. »

* principes fondamentaux qui commandent les opérations électorales : le secret du scrutin sauf pour les scrutins publics, le caractère personnel, libre et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du vote et le contrôle a posteriori par le juge de l’élection.

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Rapport Elections départementales et régionales 2021

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Cette étude de l’Observatoire du Vote porte sur les élections départementales et régionales 2021 et traite de l’usage du vote électronique en France utilisé dans 63 communes rassemblant 1,2 millions d’électeurs. Trois communes dans lesquelles des ordinateurs de vote étaient utilisés depuis plus de 15 ans ont renoncé au vote électronique : Thyez, Meylan et Castanet-Tolosan.

Rappelons que lorsqu’un ordinateur de vote équipe un bureau de vote, les électeurs n’ont pas le choix de leur mode de vote : ils doivent utiliser le dispositif électronique installé pour voter.
Dans un bureau de vote, le nombre de votes doit théoriquement être égal au nombre d’émargements. Dans les faits, il n’est pas rare d’observer des disparités entre ces deux nombres : il manque quelques votes, ou au contraire, il y a plus de votes que d’émargements. Même si ces écarts sont minimes, ils renseignent sur la précision du bureau de vote quant au recueil et au décompte des voix.
L’étude a pour objectif de quantifier les écarts entre nombres de votes et nombre d’émargements dans les bureaux de vote où est pratiqué le vote électronique par rapport aux bureaux de vote où l’on vote avec des bulletins et une urne.
Les données pour mener cette étude ont été recueillies auprès de plus 400 communes.
Deux échantillons de référence ont été constitués selon le mode de vote utilisé, en prenant en compte les nombres d’électeurs des communes et leur situation géographique. Ces échantillons rassemblent les données de 61 communes sur les 63 où le vote électronique a été en usage. Pour le vote à l’urne, les données d’environ 370 communes ont pu être collectées, soit environ 40% des communes correspondant aux critères (nombres d’électeurs et situation géographique). Vue sa taille importante, l’échantillon de référence peut être considéré comme représentatif.
Nous avons observé qu’il y a des écarts entre nombres de votes et d’émargements dans 12 % à 17 % des bureaux de vote lorsque le vote électronique est en usage. Cela n’arrive que pour 4 % à 5 % des bureaux de vote équipés d’urnes.
En moyenne, dans les échantillons de référence, nous avons constaté qu’il y a 2,5 à 3,5 fois plus d’écarts entre nombres de votes et d’émargements lorsqu’un ordinateur de vote est utilisé. Ces constats rejoignent ceux des études portant sur les précédentes élections départementales et régionales (en 2015).
Nous démontrons que ces écarts plus importants dans les bureaux de vote avec ordinateur de vote ne peuvent être attribués à des manœuvres frauduleuses qui seraient répandues dans les bureaux de vote équipés d’une vraie urne mais impossible en présence d’un ordinateur de vote : la suppression de votes blancs ou nuls.
L’examen des remarques écrites sur les procès-verbaux des bureaux de vote équipés d’ordinateurs de vote offre quelques explications : des électeurs ont voté deux fois, d’autres qui n’ont pas réussi à voter, certains ont oublié d’émarger, etc. Cependant la majorité des écarts ne sont pas expliqués. L’hypothèse d’un ordinateur de vote créant ou perdant des votes ne peut être a priori éliminée.
Nous avons également relevé des difficultés d’accessibilité comme un affichage peu lisible des candidatures sur les dispositifs de vote. Des électeurs continuent d’exprimer leur méfiance envers ces dispositifs de vote électronique.