Les vrais coûts du vote électronique

Conférence, 9 mars 2023, Journées des Libertés Numériques 2023, Université de Nantes

Le vote électronique par internet est parfois présenté comme un moyen de lutter contre la baisse de participation électorale. Ainsi, des prestataires de vote électronique promettent-ils explicitement des taux de participation élevés ou « boostés » notamment pour les élections universitaires.
Nous présenterons les résultats d’une étude nationale portant sur des élections académiques (CNRS) et universitaires (plus de 50 universités françaises et élections au sein des CROUS) et examinerons dans quelle mesure la participation électorale a augmenté lorsque les électeurs ont voté par internet par rapport aux élections organisées avec des bureaux de vote. L’analyse distinguera les élections à caractère professionnel dont les électeurs sont des chercheurs ou des enseignants-chercheurs, et les élections de représentants étudiants.
En sus , nous détaillerons les conséquences dues à l’usage du vote par internet pour la liberté de vote, les contentieux électoraux et la disparition de la formation pratique des jeunes électeurs au secret des scrutins et à la protection contre la coercition.

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Les Journées des Libertés Numériques 2023

Inflation de dérogations au vote électronique

En 2011, par décret (NOR : BCRF1107603D), François Fillon autorisait l’usage du vote électronique pour les élections des représentants du personnel dans toute la fonction publique.
En 2020, un nouveau décret (NOR : TFPF2021466D) relatif aux comités sociaux d’administration a été signé par Jean Castex. Son article 36 dispose que « Le vote a lieu par voie électronique », prévoyant toutefois que des dérogations pourraient être accordées pour autoriser le vote à l’urne lors des élections de décembre 2022.

Une liste d’établissements dérogataires a été publiée dans un arrêté du 9 mars 2022 (NOR : TFPF2206831A).

Y figurent plusieurs dizaines d’établissements de l’éducation nationale ou de l’enseignement supérieur (universités, écoles d’ingénieur, ensemble des CROUS), mais aussi le CNED, la cour des comptes, la CNIL, etc.

La délibération de la CNIL sur laquelle s’appuie le décret de Jean Castex était déjà critique sur ce mode de vote

« la commission souhaite rappeler que le vote électronique présente des difficultés accrues au regard des principes susmentionnés* pour les personnes chargées d’organiser le scrutin et celles chargées d’en vérifier le déroulement, principalement à cause de la technicité importante des solutions mises en œuvre. Au cours des travaux que la commission a menés depuis 2003, elle a, en effet, pu constater que les systèmes de vote existants ne fournissaient pas encore toutes les garanties exigées par les textes légaux. »

* principes fondamentaux qui commandent les opérations électorales : le secret du scrutin sauf pour les scrutins publics, le caractère personnel, libre et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du vote et le contrôle a posteriori par le juge de l’élection.

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Observatoire des élections électroniques professionnelles

Des élections par voie électronique ont été mises en œuvre dans des entreprises pour
– élire les délégués syndicaux,
– élire les représentants dans les Comité d’entreprise (et prendre des décisions au sein de ces comités),
– consulter les salariés (référendums).

Le vote par Internet a également été utilisé par l’État pour
– les élections professionnelles de l’Éducation Nationale,
– mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés.

Ce mode de vote a également été utilisé pour élire des représentants dans les conseils des établissements d’enseignement supérieur (universités, COMUE, Écoles), dans des conseils de l’ordre (journalistes, infirmiers, avocats), au sein de barreaux (barreau de Paris, de Bordeaux), ou encore dans des chambres de commerce et d’industrie (CCI).

Il s’agit de mesurer l’ampleur des élections professionnelles organisées par voie électronique en mettant en place un Observatoire des élections électroniques professionnelles.

Dans le cas où vous êtes confrontés à des élections par internet en tant que professionnel ou qu’étudiant, merci de contacter l’Observatoire du Vote en répondant à quelques questions :

  • quel est l’objet de l’élection ?
  • quelles sont les dates ?
  • combien y a-t-il d’électeurs potentiels ?
  • le vote par internet est-il l’unique mode de vote ?
  • quelle est l’entreprise choisie comme prestataire pour organiser le vote ?
  • au cas où l’élection est passée : quels sont les résultats électoraux (si possible détaillés par mode de vote) ?

L’Observatoire du Vote ne divulguera jamais votre identité (sauf instructions contraires de votre part).