Machines à voter et élections politiques en France : étude quantitative de la précision des bureaux de vote

L’Observatoire du Vote  a publié une synthèse des enquêtes qu’elle a menées concernant les élections politiques de 2007 à 2012 (Cahiers Droit Sciences et Technologie des Presses Universitaires d’Aix-Marseille).

Voici la conclusion in extenso de cet article.

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Les mesures que nous avons réalisées montrent que l’introduction de machines à voter dans des bureaux de vote entraîne une diminution de la précision : les écarts entre nombre de votes et nombre d’émargements sont plus fréquents et d’ampleur plus importante qu’en l’absence de machine à voter. Ce phénomène est récurrent sur toutes les élections politiques qui se sont déroulées entre 2007 et 2012.

D’après les remarques portées sur les procès-verbaux de bureaux de vote, nombre de ces disparités sont dues à des votes multiples ou à des impossibilité de voter. Cependant l’origine endogène de certains écarts ne peut être écartée a priori. Une machine à voter transforme les votes des électeurs hors de tout contrôle, il n’est donc pas impossible que certaines de ces transformations dénaturent les données sur lesquelles elles opèrent sans que ces dysfonctionnements puissent être constatés.

L’étude des variations du taux d’erreur en fonction de facteurs exogènes aux machines à voter (nombre d’électeurs, de candidats, de procurations) n’a pas permis de découvrir de corrélation entre ces facteurs et les écarts entre les nombres de votes et d’émargements, ce qui tendrait à désigner la présence du dispositif de vote électronique comme l’origine principale des écarts constatés. L’introduction de cette technologie semble contribuer à désorganiser les bureaux de vote, aboutissant finalement au moindre respect de l’un des principes cardinaux des élections démocratiques : l’unicité du vote. Cette dégradation est, certes, légère mais elle semble incompressible d’élection en élection.

Cette étude contredit la réputation d’exactitude attachée aux nouvelles technologies : introduire un dispositif présenté comme moderne, sûr et facile à utiliser37 au sein d’une organisation humaine peut aboutir à l’inverse de l’effet escompté : les résultats électoraux énoncés sont moins justes que lorsque l’ensemble des opérations électorales est effectué à l’aide de dispositifs inactifs, c’est-à-dire qui ne dématérialisent ni ne modifient les bulletins de vote depuis leur enregistrement jusqu’au dépouillement. Cette étude s’est déroulée sur une longue période de six années. Les difficultés ren- contrées dans le recueil des données nous amènent à effectuer des suggestions visant à améliorer l’accès aux résultats électoraux :

– les procès-verbaux centralisateurs pourraient être publiés systématiquement sur les sites web des communes, donnant ainsi accès aux résultats détaillés par bureaux de vote (y compris aux nombres d’émargements et de procurations décomptés dans chaque bureau de vote).

– le délai légal de consultation des procès-verbaux de bureaux de vote varie de deux semaines à deux jours38 et se réduit parfois à néant comme ce fut le cas pour les élections présidentielles de 2007 et de 2012. À deux reprises, le second tour a eu lieu un 6 mai. Comme le 8 mai est un jour férié en France, des mairies sont restées fermées le 7 mai. Concrètement, le droit d’accès aux procès-verbaux de bureaux de vote n’a donc pas pu s’exercer pour tous les électeurs. Il conviendrait d’améliorer ce droit d’accès, soit en organisant des permanences dans les communes des mairies, soit en produisant des images scannées des procès-verbaux de bureaux de vote et en les affichant sur les sites web des mairies pendant la durée légale de consultation.

Enfin, il serait souhaitable d’identifier chaque machine à voter avec un identifiant unique et que cet identifiant soit noté sur les procès-verbaux de bureaux de vote afin d’être en mesure de déterminer si des erreurs peuvent être corrélées avec l’usage de machines particulières.